Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/242

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        L’Aurore s’oubliait ravie au fond des cieux ;
Elle arrêtait le char aux mobiles essieux
Que dirige Apollon, et, tremblante, éperdue,
Montrait au jeune dieu, dans l’humide étendue,
L’immortelle beauté qui leur apparaissait !
Tout bruit terrestre ou bien céleste se taisait ;
Le parfum pénétrant et doux de l’ambroisie
Nageait dans l’air, autour de la forme choisie.
Les vierges de la mer dénouaient sur leurs seins
Leurs beaux cheveux mouillés, et de joyeux essaims
D’enfants nus, qui tenaient des torches enflammées,
Jouaient parmi l’odeur des tresses embaumées,
Et la grande Cypris, debout et promenant
Son œil impérieux sur l’Éther rayonnant
Qui se mêlait au loin à la vague marine,
Croisait avec douceur ses mains sur sa poitrine.
        Alors, ce fut un chant d’allégresse et d’amour
Que les échos charmés, mille fois en ce jour,
Répétèrent aux bois, aux grottes, aux fontaines,
Et ceux qui pressentaient les angoisses certaines
Et les soucis amers qui dévastent le cœur,
Fous a" extase, mourants, s’écrièrent en chœur,
Sachant bien qu’ils seraient les victimes promises
À l’orgueil meurtrier des vierges insoumises :
« Ô Cypris ! ô déesse invincible, aux traits prompts !
Ange des longs tourments ! salut ! Nous t’adorons ! »