Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/281

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Dont notre hôte avait fait défoncer un tonneau.
De temps en temps, j’allais m’assurer si la corde
Tenait bon. Le bourreau criait miséricorde.
On lui riait au nez, vous pensez. Mais la nuit
Avançait, et les coqs s’éveillaient à grand bruit.
Il fallait se hâter, car les premières flammes
Du matin éclairaient Capraja. Nous plaçâmes
L’homme sur le cheval, puis, à travers l’enclos
De Galeazzini, nous partîmes. Les flots
De la mer vont moins vite alors que le vent pousse
Leurs masses et les change en une blanche mousse.
Nous courions, mais aucun d’entre nous n’était las.
Enfin, on arriva place Saint-Nicolas,
À l’endroit où, la veille, était la guillotine.
« Tu comprends maintenant ce que l’on te destine ?
Dis-je au bourreau. C’est la qu’hier encor, devant
La foule, tu faisais sur un être vivant
Tomber tranquillement le couperet infâme.
Meurs donc Va. Recommande aux saints du ciel ton âme,
Et sois prompt ! »
Et sois prompt ! »Nous armions nos fusils lentement.
Il pleurait. Il tremblait. Il fit un mouvement
Comme pour appeler, mais six balles, par terre
Clouant son corps, l’avaient en un clin d’œil fait taire.
La montagne était là qui nous offrait ses trous,
Heureusement ! la troupe allait tirer sur nous.

Ah ! c’était le bon temps. On était jeune. L’âge
M’alourdit maintenant, et je reste au village.