Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/78

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Qui se masque et de loin nous décoche ses traits ;
Le soleil a brûlé la cime des forêts :
Nuit d’été ! Nuit d’été ! tu pèses sur mon âme
Comme sur l’estomac un cauchemar infâme !
     Cybèle a secoué ses blonds cheveux d’épis,
Et tous les vers luisants, dans la mousse tapis,
Promènent lentement leurs robes de lumière ;
La flûte a soupiré, la robuste fermière
Danse avec ses garçons, hâlés par l’air des champs !
     Nuit d’été ! Nuit d’été ! — Des souffles desséchants
Ont jauni les roseaux dans la source limpide
Où venait s’abreuver le cerf au pied rapide ;
Sur l’haleine du soir passe un vol de démons,
Et l’haleine du soir embrase mes poumons !
     Nuit d’été ! Nuit d’été ! — La cuve sera pleine,
Et nous pourrons rougir la face de Silène !
Ægypans et Sylvains, chantez le dieu Liber,
Le dieu fort, le dieu jeune, à qui le cep est cher,
Le noble Lyœus, que la femme jalouse !
     La pâquerette était morte dans la pelouse,
Elle attendait en vain la fraîcheur de la nuit.
Le temps est lourd et chaud, et la fraîcheur s’enfuit !
     Nuit d’été ! Nuit d’été ! — De lumineux sillages
Illuminent le dôme assombri des feuillages ;
Un immense soupir s’élève des gazons
Et monte en saluant les vastes horizons :
Plainte d’amour, chanson joyeuse d’une fée,
Par tous les rossignols du bois presque étouffée.
     Nuit d’été ! Nuit d’été ! — Le silence absolu,