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Premier Péché

Vous vivez seuls, vous partez seuls, pauvres vieux garçons, qui gardez trop de rancune à votre jeunesse, et cette rigueur vous condamne à une solitude — tous vous oublient… — même ceux qui ont reçu de vous la tendresse et le dévouement que vous avez placés quelque part, ne pouvant tout garder ! Vous voyant seuls, on vous laisse seuls, ayant pour excuse de cet abandon le choix fait jadis — votre égoïsme est puni par d’autres égoïsmes : tout est manqué dans vos vies, même vos plus sublimes charités.

Allez, mieux vaut être malheureux avec nous, que de promener toute la vie la désillusion d’une existence incomplète… car si vous pleurez par la femme, vous ne souriez vraiment que par le rayonnement de ses yeux.

Vieux blasés, qui avez des sourires moqueurs à l’adresse des pauvres surannées qui passent sous vos fenêtres, trottinantes, comme dans leur jeunesse, ne pensez-vous pas parfois combien les délaissées ont souffert de vos abandons ? Vous riez de leur malheur subi, vous qui avez voulu le vôtre ; — ne riez pas, car il est encore de la fraîcheur dans ces vieilles âmes : un rayon blanc de naïve candeur, qui laisse sa clarté douce dans les vieux cœurs ! où restera toujours comme une éternelle jeunesse

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Voilà comment on pleure un jour de fête quand la clochette ne chante pas, dans la solitude.