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Premier Péché

Paysages du Sud


C’est le cœur plein de regrets que je regardais s’obscurcir, dans le lointain, les contours des hautes montagnes, dont la cime touche le ciel. Cette nature éminemment pittoresque, pleine de surprises et d’attraits, a tant de séductions… Son cachet a de la rudesse, sa rudesse a de la grâce, et tout cela charme, captive et retient l’âme. Oh ! le Nord, le joli Nord si séduisant, nous ne le voyons plus qu’à peine, emportés à toute vapeur sur un palais flottant, construit pour le plus grand bien-être des heureux mortels qui, épris des beautés de notre Saint-Laurent et de ses superbes rives, éprouvent le désir de les admirer. Le Canada mettait de la grâce dans sa démarche, il ondulait légèrement sur le flot écumant, comme pour endormir dans un doux bercement les regrets amers que nous mettait au cœur la dernière séparation.

Bientôt, devant nos regards se déroulait une nature coquette, en fête vraiment pour mieux nous consoler, — et nous abordions le joli quai de la Rivière-du-Loup. La Pointe est un des coins charmants du Sud. Un génie en liesse a dû passer par là, et semer dans cet endroit un peu de sa gaieté. C’est gentil tout plein ; un peintre ferait les délices de son pinceau avec les mille délicats tableaux qu’une nature prodigue a disposés généreusement dans des cadres charmants. C’est un fouillis de verdure où nichent çà et là de riantes villas, vous en découvrez partout, elles se cachent sans cesse à l’abri des gros arbres, se laissant deviner par le parfum de leurs parterres, et se charment de nos surprises ravies.

L’on comprend bien la préférence marquée des nombreux citadins qui ont choisi ces lieux charmeurs pour leur séjour de prédilection ; aussi tout un peuple gai vit et s’agite, pour enchanter de frais éclats de rire l’écho des bocages voisins. Une franche amabilité règne à la Pointe, est-ce l’effet bienfaisant du milieu ? On serait tenté de le croire, car, regardant les visages gentiment réjouis qui nous sourient à l’arrivée, c’est à croire que la tristesse est inconnue dans ces régions, tant tout le monde semble heureux.

Un peu plus loin, la Rivière-du-Loup, petite ville où tout progresse comme si elle avait été créée pour n’avoir que des bonheurs. Les gouvernements eux-mêmes, qui n’ont pas toujours la générosité facile, ont montré une particulière bienveillance pour la jolie ville neuve appelée aussi Fraserville, du nom de ses seigneurs. L’Intercolonial y a un de ses quartiers les plus importants.