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Premier Péché

Consolation


Marielle de C… songeait, bien seule, dans le cabinet où étaient entassées toutes les merveilles d’élégance nécessaires à son goût raffiné de belle mondaine. Elle songeait — que son fils aurait demain vingt-quatre ans, — et que pas un cheveu blanc ne se mélangeait au brun de ses tempes !

La jolie mère sourit orgueilleusement, et prise du subit désir de se voir et d’admirer sa fine beauté et son élégance altière, elle écarta vivement l’abat-jour rose, tamisant la lumière, et plongea la chambre en pleine clarté.

Puis dans une immense glace, elle se refléta tout entière, depuis sa chevelure artistement disposée, jusqu’au bout du pied mignon dans sa mule de satin blanc. Drapée dans un ravissant peignoir, elle semblait une princesse au repos, et la soie bleue de sa robe mêlée aux fines dentelles encadrait délicieusement sa délicate beauté blonde.

Elle se voyait belle, et toujours jeune ; le même murmure flatteur accueillait son entrée dans les salons, et lorsqu’elle dansait au bras de son fils, la traitant en sœur aînée, on chuchotait sur leur passage : Sont-ils assez beaux ! — Une douce joie l’inondait alors, heureuse de cette admiration qui venait à eux, la confondant encore plus étroitement avec le fils aimé.

Le père, les voyant ainsi unis, souriait de bonheur : Ce sont mes deux enfants, avouait-il d’un air ravi.

Marielle radieuse de l’hommage redit par la glace, se plongea dans un fauteuil, pour s’abandonner de nouveau à sa rêverie. Son fils, son beau fils, combien elle l’aimait ! Puis une crainte terrible la mordit au cœur… En effet, depuis quelques jours, Albert n’était plus le même, il paraissait préoccupé, et à ses pressantes questions, il avait répondu de façon évasive.

S’il était malheureux ! Elle bondit à cette supposition, — son fils malheureux ? Oh ! non, s’il était songeur, c’est que l’amour avait fait apparition dans son cœur. Mais alors ce serait le bonheur, — car qui saurait lui résister ? qui pourrait ne pas l’aimer ?

Marielle souriait maintenant, un peu de tristesse dans ses yeux, car son fils avait toujours été si bien à elle — et il lui faudrait le donner. Mais une mère doit, sans cesse, s’effacer pour la joie de son enfant, et Marielle se consolerait en aimant ses petits-fils.