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Premier péché

celui d’être compris et aimé… Il parlait, sentant des effluves doux — d’un autre cœur, voler vers le sien, et si profondément heureux qu’il eut peur.

— Oh ! Mina, qu’as-tu fait ?

Ce cri jaillit spontanément, mais mourut au plus profond de la pensée ; et la délicieuse figure de la jeune amie disparut avec les derniers rayons du soleil expirant.

Il voulait entendre Yvette ; cette voix douce lui caressait le cœur : il avait besoin d’écouter cette mélodie. Elle parla, lentement, avec des notes attendries, comme si la beauté de ce jour mourant avait droit à sa confidence. Elle confia larmes et sourires, car c’était au flot qu’elle parlait, oubliant que lui était là, tant déjà il se confondait dans la grande sympathie des choses berçantes.

Maurice regardait la frêle enfant avec une pitié admirative : ainsi elle avait eu la force de se lancer dans la mêlée, le jour où la fortune lui tourna le dos, et l’enfant, choyée hier, était devenue la vaillante femme prête au combat. Elle lui apparut grandie, et si grande, si grande, que nul piédestal n’était digne d’elle.

La phrase du matin lui dansa dans l’esprit ; il voulait savoir :

— Vos amies vous consolent de maints ennuis ?

Elle secoua sa blonde tête.

— Des amies ? Oh ! je n’en ai guère. Et n’avez-vous pas compris bien des humiliations ce matin même… car j’ai entendu toutes les phrases qui accueillaient votre arrivée.

Sa voix avait de l’amertume, elle se teinta d’attendrissement :

— Mina était bien gentille, pour moi, jadis, mais alors, j’avais mon père !…

Elle se tut, et tous deux regardèrent le ciel ; quelques étoiles éblouissaient, la lune blanchissait la nue, et par une coquetterie séductrice, choisissait pour miroir la vague rayonnante. Le clapotis très doux apportait des chansons ; des rives venaient mille frémissements enivrés. Tout disait d’aimer, et Maurice ne résista pas : il saisit la petite main, et d’une voix toute frémissante de la poésie qui idéalisait ciel, terre et onde, il murmura :

— C’est beau !

— C’est beau, répéta-t-elle : et leurs deux cœurs, ainsi se donnèrent.

***

Elle l’attendait, ce soir-là, dans son petit salon, tout parfumé du bouquet reçu le matin même, et qui comptait sur les pétales de ses roses tant de baisers.

Il lui apparut plus beau encore, avec, dans ses yeux gris, un