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Premier Péché

reste de l’éblouissement recueilli le soir où la lune souriait à l’éclosion de leur tendresse.

La grâce fine d’Yvette rayonnait dans ce milieu créé par elle, et qui lui servait délicieusement de cadre. Tout y était discret et d’un goût charmant, Maurice s’y trouva encore plus heureux que sur le pont du joli yacht blanc, et avec abandon, ils causèrent.

Il voulait connaître tout de sa vie, et ce qu’elle n’avait pas dit l’autre soir, il le lui demanda, dans le recueillement parfumé du joli appartement.

— Êtes-vous heureuse ?

Elle lui sourit lumineusement.

— Heureuse, mais comment ne le serais-je pas ? J’ai compris la vraie signification du devoir, il a consisté pour moi dans la lourde tâche de disputer mon pain à la lutte quotidienne. Aucune amertume ne m’est venue, et je suis heureuse tous les jours de remplir mes heures de travail, et tous les soirs, je m’endors satisfaite d’un vrai contentement…

Elle parlait tout simplement ; un demi sourire se jouait sur sa lèvre ; on la sentait heureuse, et sa joie réconfortait.

— Et vos amies ? interrogea-t-il, pendant que sa pensée rejoignait la fière Mina…

Les yeux bleus d’Yvette eurent une lueur amusée.

— Les amies, dit-elle gaiement, les sincères sont restées miennes, et les autres… elles ne l’étaient pas ! — Et avec son franc sourire :

— Je ne leur donne pas l’honneur d’un regret !

Maurice comprit cette vraie femme, intelligente, exquise et forte, si différente de l’autre. Un désir irrésistible lui vint de saisir le bonheur qui était là, tout près de lui. Il savoura, une par une, toutes les ivresses qui lui montaient au cœur, et se penchant près de l’oreille rose, toute jolie dans l’attente de l’aveu :

— Yvette, je vous aime ! Voulez-vous m’aimer !

Il y a des mots qui ne disent rien.

Les yeux expriment tout.

***

« Il me semble que vous conjureriez l’influence que je sens planer sur moi… Mina, voulez-vous être ma mascotte ? »

Pour la vingtième fois, la brune jeune fille relisait ces mots inscrits dans un petit cahier rouge où dormaient tant de rêves. Une larme les mouilla, et ce fut tout.