Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/215

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vrai. Ses derniers sous avaient été perdus le matin au jeu.

— Eh bien, en ce cas, repartit son terrible dompteur, va te faire saigner comme un mouton par les parents de Kérym !

Il secoua vigoureusement sa victime et la jeta dans la cour ; puis, rentrant dans l’écurie, il ferma la porte. Gambèr-Aly, au comble de l’épouvante, se crut, d’abord, au milieu de ses ennemis ; la lune éclairait, brillante ; le ciel était d’une limpidité magnifique, les terrasses de la ville recevaient ses rayons, les arbres se balançaient avec mollesse, les étoiles étaient suspendues, pareilles à des lampes, dans une atmosphère dont l’infini se poursuivait au-dessus d’elles. Mais Gambèr-Aly ne se sentait aucune disposition à s’exalter devant les beautés de la nature. Il s’aperçut seulement que le silence était profond ; les palefreniers dormaient çà et là dans leurs couvertures ; l’excès de la terreur donna au fils de Bibi-Djanèm une inspiration subite et une espèce de courage. Sans plus consulter, il courut à l’entrée de la cour et la franchit, il parcourut les rues rapidement, tourna à gauche et se trouva contre les murailles de la ville. Il ne lui fut pas difficile d’y découvrir un trou ; il se laissa dévaler dans le fossé, et, remontant la contrescarpe, il partit grand train à travers le désert. Les chacals piaulaient mais il ne s’en souciait pas. Une ou deux hyènes lui montrèrent leurs yeux phosphorescents et s’enfuirent devant lui.