Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/225

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européenne fort élégante, attelée de six grands turcomans ornés de pompons rouges et bleus menée, comme on dit, à la Daumont, et dans la voiture étaient assises quatre dames entièrement recouvertes de leurs voiles bleus et de leurs roubends. Cette galante apparition se frayait sans façon un chemin au travers des cavalcades d’ânes et de mulets, de sorte que, bientôt, elle arriva à Shahabdoulazym ; les kaleskadjys ou postillons, arrêtèrent devant la grande porte de la mosquée ; les cavaliers aidèrent les quatre dames à descendre et celles-ci entrèrent immédiatement dans le lieu saint ; leurs domestiques ne se gênèrent là non plus aucunement pour leur ouvrir passage, de sorte que, malgré les vociférations et les injures des femmes jetées de côté brusquement, les nouvelles arrivées se trouvèrent, comme elles le voulaient, juste en face de Gambèr-Aly.

L’une d’elles s’accroupit à terre à côté du jeune garçon et lui dit d’une voix douce :

— Tu n’as plus rien à craindre, mon âme ! Les parents de Kérym ont transigé pour trente tomans ; voilà tes lettres de rémission ; personne n’a plus de droit sur ta vie. Viens et suis moi ! j’ai donné les 30 tomans.

Mais Gambèr-Aly n’était plus en état de rien comprendre. Il regarda d’un œil morne le papier que la dame lui présentait et ne fit pas un mouvement. Alors, s’annonçant par cela même comme une personne de décision, la bienfaitrice du réfugié élevant la voix, dit à ses gens :