Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/227

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cette vieille goule affamée qui veut manger les jeunes gens ! Fille de chien ! Fille d’un père qui brûle en enfer ! Nous allons rôtir ton aïeul ! Laisse ce garçon ! Si tu te permets d’y toucher ou seulement d’y regarder, nous te déchirons avec les ongles et les dents !

La colère grandissait et les domestiques de la dame en étaient déjà à se ranger autour d’elle et de ses suivantes pour l’isoler des agressions. Il faut rendre justice à cette dame, son courage était à la hauteur de la circonstance. Elle répondait injure pour injure et ne se montrait pas moins imaginative en ce genre que les assaillantes. On l’appelait vieille, elle appelait ses ennemies caduques ; on suspectait la pureté de ses intentions ; elle répliquait par les accusations les plus énormes. Dans ce colloque passionné entre personnes du sexe faible et timide, on se prodigua des trésors d’injures, et il n’y a pas d’exagération à affirmer que les plus respectables et les plus érudites parmi les détaillantes de poissons, qui font un des principaux ornements de Paris et de Londres, eussent eu quelque chose à apprendre dans ce beau jour. Rien n’est châtié, mesuré et fleuri comme le langage d’un oriental ; mais une orientale ne se pique que d’exprimer le plus énergiquement possible ce qu’il lui plaît de dire.

Pour mettre fin à cette scène, le gardien de la mosquée prit la lettre de rémission, monta dans le membêr, ce qui veut dire la chaire, fit un petit préambule, lut le document, célébra en termes pompeux la charité, la