Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/243

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nant un baiser sur les yeux : Comme tu m’aimes peu ! Ce n’est qu’à force de prières que je t’arrache la vérité ! Maintenant va trouver mon père et demande-moi à lui. Tu lui en promettras sept, et tu lui en donneras cinq, en lui jurant que tu lui apporteras les deux autres plus tard. Il ne les verra jamais. Pour moi, je saurai bien lui en arracher deux que je te rapporterai et de cette façon là, je ne t’aurai coûté que trois tomans. Est-ce que tu ne vois pas combien je t’aime ? Je fus ravi de cette conclusion et m’empressai d’aller trouver mon oncle. Après deux jours de débats qui furent mêlés de bien des supplications, des serments et des larmes de ma part, je finis par réussir et j’épousai ma bien-aimée Leïla. Elle était si charmante, elle avait un art si accompli de faire sa volonté, (plus tard je sus comment elle s’y prenait et d’où venait ce pouvoir si irrésistible), que, lorsque quelques jours après la noce, Leïla m’eut persuadé d’aller m’établir avec elle à Zendjân, capitale de la province, elle trouva moyen de se faire donner encore un âne superbe par son père et, de plus, elle lui emporta un beau tapis, sans lui en demander la permission. La vérité est que c’est la perle des femmes.

Nous étions à peine installés dans notre nouvelle demeure, où, grâce aux vingt-cinq tomans qui me restaient, nous commençames à mener joyeuse vie, parce que Leïla voulait s’amuser et que j’y étais moi-même fort consentant, nous vîmes arriver Kérym, un de ses