Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/261

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— Le salut soit sur vous, Excellence ! lui dis-je ; qu’est-ce qu’il y a donc ?

— Le malheur s’est abattu sur le régiment, me répliqua l’officier avec un sanglot. L’auguste gouvernement a résolu d’exterminer la nation turkomane, et nous avons l’ordre de partir demain pour Meshhed !

À cette nouvelle, je sentis mon cœur se serrer et je fis comme les autres : je m’assis et je pleurai.

Les Turkomans sont, comme chacun sait, des gens terribles. Ils font constamment des incursions, qu’ils appellent « tjapaô », dans les provinces de l’Iran Bien Gardé qui avoisinent leurs frontières, et ils enlèvent par centaines les pauvres paysans. Ils vont les vendre aux Ouzbeks de Khiva et de Bokhara. Je trouve naturel que l’auguste gouvernement ait pris la résolution de détruire jusqu’au dernier de ces pillards, mais il était extrêmement pervers d’y envoyer notre régiment. Nous passâmes donc une partie de la nuit à nous désoler ; pourtant, comme tout ce désespoir ne nous avançait à rien, nous finîmes par nous mettre à rire, et nous étions de très-bonne humeur quand, à l’aube du jour, des hommes du régiment de Damghan vinrent nous remplacer. Nous prîmes nos fusils, et, après une bonne heure employée à faire nos adieux à nos amis du quartier, nous sortîmes de la ville et allâmes rejoindre le reste du régiment, qui était rangé en bataille devant la porte de Dooulèt. J’appris alors que le roi, lui-même, allait nous passer en revue. Il y