Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/270

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ablutions, ce spectacle transporte d’admiration. Du matin au soir des multitudes de pélerins, venant de l’Iran, du Turkestan, du fond de l’Inde et des pays lointains du Roum, apportent à l’Imam Riza, (que son nom soit glorifié !) un tribut incessant de génuflexions, de prières, de dons et d’aumônes. L’espace sacré est toujours rempli d’une foule bruyante ; des bandes de pauvres viennent recevoir la nourriture que les Moullas leur préparent chaque jour. Aussi se feraient-ils tuer avec joie pour les privilèges de la mosquée. Je m’avançai, avec respect et émotion, à travers les groupes, et comme je demandais discrètement à un des portiers, dont la tête était couverte d’un vaste et scientifique turban blanc, où je devais me rendre pour obtenir ma part de la distribution, ce digne et respectable turban ou plutôt la tête qui en était chargée me montra une physionomie surprise, puis joyeuse, et une large bouche, s’ouvrant au milieu d’une vaste barbe noire, pendant que deux yeux de jais s’illuminaient de joie, se mit à pousser des cris de satisfaction.

— Que les saints Imams soient bénis ! C’est toi, c’est toi, même, Baba Aga ?

— Moi-même ! répondis-je en regardant fixement mon interlocuteur, et, après un moment d’hésitation, l’ayant parfaitement reconnu :

— Vallah ! Billah ! Tallah ! m’écriai-je, c’est toi, cousin Souleyman ?