Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/329

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été prévenue. Où était-elle ? On soupçonna quelque malheur. Depuis plusieurs jours, on l’avait trouvée sombre et agitée. Qu’avait-elle ? Le père, les frères, la mère sortirent dans le quartier. La rue était déserte ; on n’entendait plus aucun bruit. Osman guidé par une sorte d’instinct s’approcha à pas de loup de la demeure de Mohammed, et il entendit, en se serrant contre la muraille de la cour, que l’on parlait dans la maison. Il écouta. On entassait des pierres contre la porte. On apprêtait des armes, on s’arrangeait pour repousser une attaque.

— Quelle attaque ? se dit Osman. S’il s’agissait des Mouradzyys, mon frère m’eût prévenu ; car, à cet égard, nous nous entendons. Il le sait bien. Je l’aiderais. Si ce n’est pas de cela qu’il s’agit, c’est de moi. Il écouta avec un surcroît d’attention et par malheur, il entendit cet échange de paroles :

— Djemylèh, donne-moi la carabine.

— La voici !

C’était la voix de sa fille. Un frisson lui parcourut le corps depuis la pointe des cheveux jusqu’à la plante des pieds. Il comprit tout. Quand, dans ces derniers jours, lui et ses fils avaient raconté en riant que Mohsèn allait mourir, Djemylèh n’avait pas dit un mot, n’avait exprimé aucune joie et il se souvenait même de lui en avoir fait un reproche. Maintenant tout s’expliquait. La malheureuse aimait son cousin, et ce qui était horrible à penser, elle venait de pousser l’égare-