Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/340

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tout-à-l’heure, peut-être avant une minute ; qu’elles tournaient, peut-être, à ce moment, le coin de la rue où il était, là, avec elle, ne sachant que devenir, alors il ne sentit pas son courage s’éteindre, non, il ne sentit pas cela, mais il s’aperçut que ce courage s’alanguissait, s’étonnait, se raidissait, et quant à sa gaieté, elle disparut.

Djemylèh, tout au contraire. Elle regarda son amant, et le voyant pâle :

— Qu’as-tu ? lui dit-elle, ne suis-je pas avec toi ? Ma vie n’est-elle pas dans la tienne ? Si l’un de nous meurt, l’autre ne va-t-il pas mourir tout de suite aussi ? Qui nous séparera ?

— Personne ! répondit Mohsèn. Mais, toi, toi, toi, devenir malheureuse ! Toi, frappée !

À cette pensée, il cacha son visage dans ses mains et se mit à pleurer amèrement. Elle écarta gentiment les doigts mouillés de larmes, crispés sur le front et sur les joues qu’elle aimait, et jetant les bras autour du cou de Mohsèn :

— Non ! oh ! non ! non ! continua-t-elle, ne pense pas à moi seule, pense à nous deux, et tant que nous sommes ensemble, tout est bien ! Cachons-nous ! Que sais-je ? Gagnons du temps ! ne nous laissons pas prendre !

— Mais que faire ! s’écria Mohsèn en frappant du pied. Pas une ressource ! et ton père nous poursuit