Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/389

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et dont il parle davantage, c’est de l’antique Argonaute.

Sur le quai, se pressait une foule d’Européens, que là on appelle des Franks  : marins, marchands, aventuriers de toute espèce, ioniens, grecs, maltais, dalmates, français, anglais, valaques, triste multitude, et qui rampe bas dans la série descendante des créatures. Cependant leur esprit est quelquefois marqué d’un trait qui leur enlève une part de vulgarité ; ils ont l’instinct de l’imprévu, l’amour du mouvement et de l’audace ; quelquefois aussi une lâcheté digne du capitan de la comédie italienne et qui ne manque pas d’originalité.

Mêlés à cette foule bariolée, remuante, quelques Osmanlis passaient, le chapelet à la main. Presque tous étaient dégradés par le costume moderne, porté et compris à leur façon, c’est-à-dire très-mal  : redingote marron ou bleue, avec les manches fendues ou déchirées pour rendre les ablutions plus faciles, des pantalons ignobles, tachés, une chemise mal blanchie dont le col se crispait sous l’étreinte d’une cravate mal tordue, un fez rejeté sur l’occiput ; quelquefois, avec le chapelet, une grosse cigarette entre des doigts sales. Quand, sur le conseil haineux de la magicienne de Colchide, les pauvres filles d’Æson entreprirent de rajeunir leur père et que, après l’avoir dépouillé et mis tout nu, elles l’eurent coupé en morceaux, établi dans la chaudière bouillante, puis tiré de là pièce à pièce,