Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/407

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— J’ai, lui dit-il tout bas, ma femme mourante à Avadjyk ; j’étais venu chercher un peu de travail à Erzeroum. Je rapporte de l’argent. Que Dieu vous bénisse et vous sauve  !

— Pourquoi ne me recommandes-tu pas à tous les Dieux ? répondit Valerio en souriant.

— Je ne veux pas choquer vos opinions, répliqua l’homme de la Foi ancienne, mais bien vous exprimer ma reconnaissance.

Valerio s’empressa de rejoindre Lucie avec son nouveau serviteur et il lui expliqua ce qui venait d’arriver. Le petit cheval amblier de Kerbelay-Houssein arriva, et Lucie l’ayant monté, le trouva fort à son goût. Valerio, comme d’ordinaire se mit à sa gauche. Le Shemsiyèh allait à pied de l’autre côté, quelques domestiques suivaient ; quand le soleil se leva tout grand, il éclaira la caravane en pleine marche. C’était un spectacle très-beau et très-grand.

Le train immense composé de deux mille voyageurs s’étendait sur un vaste espace de terrain. Des files de chameaux et de mulets se succédaient sans interruption, surveillées par les gardiens qui, la tête couverte de bonnets de feutre ronds ou cylindriques, absolument comme ceux dont les vases et les sculptures antiques présentent les images, cousaient ou tricotaient de la laine, tout en marchant. Kerbelay-Houssein, monté sur un cheval très-modeste, et roulant d’un air fort sérieux son chapelet dans ses doigts,