Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/409

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constamment tourbillonner sur elle-même ; car les piétons surtout, en agitation perpétuelle, allaient de la tête à la queue du convoi et de la queue à la tête pour parler à quelqu’un, rencontrer quelqu’un, amener quelqu’un à quelqu’un, c’était une agitation permanente et un bouillonnement qui ne s’arrêtait pas. Lucie en était à la fois étourdie, étonnée, amusée à l’excès. Elle demandait à son mari mille explications à la fois sur les diverses parties de ce spectacle nouveau, et rien ne lui avait donné l’idée jusqu’alors qu’un tel tableau fût possible. C’est cependant là, dans ce vagabondage organisé, que se développe le plus à l’aise le caractère et l’esprit des Asiatiques.

Vers huit heures, la caravane s’arrêta pour se reposer toute la journée et ne repartit que dans la nuit, vers deux heures. Kerbelay-Houssein, fidèle à sa sollicitude pour les jeunes Européens, vint lui-même leur désigner un endroit choisi, où il fit élever leur tente. On la plaça au milieu du beau quartier, de ce qu’on appellerait en Europe le quartier aristocratique. Là, n’habitaient que gens sérieux et dignes de considération. C’était plus respectable, mais moins amusant que les autres parties du camp. Aussi Valerio emmena-t-il Lucie très-bien voilée pour se promener un peu partout.

Ce qu’on pouvait considérer comme le séjour de la bourgeoisie, comptait encore quelques tentes, mais petites et basses pour la plupart. La plus grande partie