Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/423

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— Jamais, répliqua le Sèyd d’un air embarrassé.

— D’où vient cela ? poursuivit Valerio.

— Qu’y pouvais-je chercher ? Qu’y pouvais-je trouver ? Vous ne prendrez pas mes paroles en mauvaise part, et vous ne les croirez pas dictées par quelque prévention religieuse indigne d’un philosophe ?

— En aucune façon, répondit Valerio ; je connais la largeur et la liberté de vos idées, Sèyd, et ne saurais jamais vous soupçonner de pareilles faiblesses ; parlez donc librement et instruisez-moi par votre expérience.

— Il n’y a pas d’intérêt pour un sage à voyager dans les pays européens, répondit le Sèyd d’un air convaincu. D’abord, on n’y est pas en sûreté. On rencontre à chaque pas des soldats qui marchent d’un air rébarbatif ; les hommes de police remplissent les rues et demandent à chaque instant où l’on va, ce qu’on fait et qui l’on est. Si on manque à leur répondre, on est conduit dans une prison d’où l’on a beaucoup de peine à se tirer. Il faut avoir les poches pleines de bouyourouldys, de firmans, de teskerèhs et d’autres papiers et documents sans fin, faute de quoi l’on risque même sa vie. Je vous atteste que les choses sont ainsi ; je l’ai entendu rapporter par des gens dignes de foi qui avaient suivi des ambassades musulmanes dans ces pays du diable.

Redjèb-Aly écoutait ces révélations, la terreur peinte sur le visage ; Valerio se mit à rire  :