Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/424

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— Continuez, je vous prie, Sèyd, il y a du vrai dans ce que vous dites et je vous demande la suite avec insistance.

— Eh bien  ! donc, puisque je ne vous fâche pas, j’ajouterai que, si l’on a eu le bonheur d’échapper à ces périls et de ne pas être mis en prison pour avoir fait une chose ou l’autre qu’il ne fallait pas faire, on est toujours en grand danger de mourir de faim. Si on est pauvre, il ne faut pas le dire ; personne ne songe à vous demander si vous avez dîné et ce qui, dans les pays musulmans, ne coûte pas un poul, exige des sommes folles dans vos pays avares. Alors que peut-on devenir ? Ici, et partout ailleurs, que je me couche sur le chemin pour dormir, on ne me dira rien ; chez vous, la prison rentre en question ; il en est de même pour tout ; dureté de cœur chez les hommes, cruauté et sévérité chez les gouvernants, et de la liberté nulle part  : il n’y a que contrainte ; par-dessus le marché, un climat aussi inhospitalier que le reste. Je ne me suis jamais étonné, effendum, de voir ce que vous avez dû observer comme moi, vu que ceux de vos Européens qui viennent demeurer au milieu de nous, ne peuvent plus s’en détacher, prennent vite nos habitudes et nos mœurs, tandis qu’on n’a jamais cité un des nôtres qui eût la moindre envie de rester dans vos territoires et de s’y établir.

— Tout cela est encore assez exact, repartit Valerio et, pourtant, je vous ferai remarquer que le nombre