Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/428

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ailleurs leur marchandise le laissaient aller. Il cheminait donc se faisant précéder toujours de ses émissaires et tirait de la fortune le meilleur parti possible. Il n’avait pas une minute de repos. Sa tête était toujours en travail, il contemplait son peuple à la façon dont Moïse regardait le sien dans la traversée du désert, et l’habitude qu’il avait de cette responsabilité, sa connaissance profonde du caractère des gens avec lesquels il traitait et des agents qu’il employait, lui donnaient une assurance et une fermeté dignes de respect.

Mais ce qui occasionnait les plus longs retards, c’était la rencontre d’un pâturage abondant. En ces occasions annoncées avec enthousiasme par les éclaireurs quelques jours à l’avance, on séjournait quelquefois deux semaines, trois semaines sur le même point. Le camp était établi d’une manière particulièrement sérieuse et avec toutes les commodités que chacun pouvait se procurer. Il semblait qu’une éternité devait se passer là. Chacun semblait dire comme les Apôtres dans l’Évangile  :

« Il est bon que nous soyons ici ; faisons-y donc trois tentes  : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »

Les chameaux, les mulets, les chevaux, les ânes se promenaient dans l’herbage plantureux, où ils enfonçaient jusqu’au ventre. Les muletiers étaient charmés de voir leurs bêtes se remettre à vue d’œil de leurs