Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/429

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fatigues, au moyen de ce savoureux repas ; la vue de la verdure et des fleurs charmait tous les regards, et la ruche bourdonnait de plus belle, chacun allant, venant, causant, remuant, continuant les marchés, les intrigues, les achats et les ventes que, comme on l’a vu, la marche même n’interrompait pas ; car une caravane c’est une ville mouvante, et les intérêts et les plaisirs d’une ville ne s’y reposent pas plus que dans les cités sédentaires.

Pendant ces haltes ainsi prolongées, Lucie et Valerio employaient une partie de leur temps à faire des excursions dans la contrée qui les entourait. C’étaient déjà ces riches montagnes du Kurdistan, dont la beauté est plus âpre peut-être que le Taurus, où les gorges sont plus étroites et les escarpements plus abrupts, mais où la nature féconde n’est pas moins généreuse de ses dons. Les deux amants étaient jeunes ; ils étaient hardis ; ils ne suivaient pas toujours à la lettre les sages avertissements de Kerbelay-Houssein, qui cherchait à les rendre prudents et à les détourner d’excursions trop longues.

— Vous ne savez pas, leur disait-il, qui vous pouvez rencontrer. Les Kurdes, que le ciel les confonde  ! ne sont pas tous des pillards et des assassins, mais les exceptions sont rares, et il ne faut tenter personne. Je vous engage donc à ne pas vous éloigner du camp, de telle sorte que vous puissiez devenir la proie de quelques rôdeurs.