Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/442

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membres se couvrir d’une sueur froide… Il se calme pourtant… Ce n’était rien que son propre domestique qui lui apporte le thé et dépose la tasse sur la table. Mais le malade lui a trouvé l’air singulier. Cet homme couve un mauvais coup. Il n’a pas osé, parce qu’il a vu qu’on était sur ses gardes. Maintenant il reviendra. Il va faire feu de ses pistolets par la fenêtre.

Quelquefois l’halluciné reprend tout son sang-froid, s’accoutume au milieu dans lequel il est placé, et sa guérison est assurée ; mais il arrive aussi que le mal maintient et assure son empire, alors on tombe dans la variété la plus redoutable de la souffrance appelée nostalgie.

En voyant Lucie souffrir d’un tel état, Valerio eut peur à son tour. Le jour arriva, et les angoisses de la nuit un peu calmées firent place à une langueur, à un abattement qui n’étaient pas de bon augure. La jeune femme s’efforça, ce jour-là et les jours suivants, de prendre sur elle, pour ne pas affliger son mari ; mais il ne lui fut pas possible de retrouver son enthousiasme perdu ; elle ne prenait plus à rien un intérêt véritable ; elle était gênée, elle était froide ; un dégoût profond et irrémédiable l’envahissait de plus en plus, et perçait dans toutes ses paroles.

Kerbelay-Houssein s’aperçut à sa pâleur que les choses n’allaient, plus comme autrefois ; il devina en gros ce qui se passait pour en avoir vu d’autres exemples.