Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/122

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d’un ange, est morte de saisissement, et son vieux mari, désespéré, s’est retiré à la campagne, où il n’a guère le courage, je t’assure, de s’amuser avec ses bêtes. Mais te voilà pâle et défait ! Voyons mon chéri, console-toi. Tu as toujours de l’argent, et l’argent, vois-tu…

— Je ne garderai pas seulement un écu de cette famille maudite ! s’écria Matteo, désespéré qu’elle ne fût pas la sienne. Au diable la noblesse ! Je déteste les gens qui veulent s’élever au-dessus des autres. Ce vieux Bianconero n’aurait pas pu me reconnaître, moi qui vaux mieux que lui !

— Il vous fait dix mille écus de rente, observa le capitaine ; mais il ne vous reconnaît pas pour son fils, par respect pour ses aïeux, à ce qu’il dit.

— Je ne recevrai pas un sou de lui ! cria Matteo, en allant s’asseoir tout sanglotant dans un coin.

— Mais vous recevrez cette rente de moi, mon cher Matteo, dit Rosetta en s’avançant. Ce n’est pas un don ; c’est à peine ce que vaut le mal que je vous ai fait : la perte de votre voix, votre emprisonnement, bien que momentané, et surtout les peines que je vous ai causées. Mon oncle Tiepolo n’hésitera pas à faire droit à ma requête contenue dans cette lettre que je vous remets. Adieu. Supportez votre malheur avec courage et regardez-moi toujours comme une amie. Vous, mademoiselle Colombine, vous m’accompagnerez jusqu’en Autriche, cela me sera plus agréable que de déranger le seigneur Matteo.