Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/89

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plus fine que la soie et souple à miracle ; la bouche la plus rose, le sourire le plus épanoui, les dents les plus dignes de la comparaison ancienne avec un rang de perles ; une candeur adorable et sans tache se montrant, se prouvant d’elle-même au premier aspect ; le calme charmant de la sécurité.

Devient-on amoureux du premier coup, ou ne l’est-on qu’après plusieurs blessures ? C’est une question discutée entre les doctes. Il semblerait pourtant qu’il en doit être de l’amour ainsi que de la mort, plus faible que lui, au dire du livre saint. Quand on n’est pas tué dès la première atteinte, c’est que l’on a été mal navré ; mais le coup qui vous jette à terre pour toujours aurait pu se passer de ceux qui l’ont précédé. De même, au moment où l’amour vous terrasse, c’est qu’il avait frappé juste, et ainsi de fait on se trouve amoureux dès le premier moment. Norton aurait probablement contredit cet axiome. Jamais les gens fiers n’aiment à se voir renversés à la première étreinte. Pourtant, lorsque la jeune demoiselle, ayant atteint le bas de l’escalier, traversa la longue salle pour venir s’asseoir à côté de sa mère, le