Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/111

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auparavant. Enfin, pour terminer, c’est, à mes yeux, un fait simple et naturel que de savoir les Lapons suédois dans l’état de barbarie de leurs ancêtres, bien que, depuis des siècles, les doctrines salutaires de l’Évangile leur aient été apportées. Je crois sincèrement que tous ces peuples pourront produire, ont produit peut-être déjà, des personnes remarquables par leur piété et la pureté de leurs mœurs, mais je ne m’attends pas à en voir sortir jamais de savants théologiens, des militaires intelligents, des mathématiciens habiles, des artistes de mérite, en un mot cette élite d’esprits raffinés dont le nombre et la succession perpétuelle font la force et la fécondité des races dominatrices, bien plus encore que la rare apparition de ces génies hors ligne qui ne sont suivis par les peuples, dans les voies où ils s’engagent, que si ces peuples sont eux-mêmes conformés de manière à pouvoir les comprendre et avancer sous leur conduite. Il est donc nécessaire et juste de désintéresser entièrement le christianisme dans la question. Si toutes les races sont également capables de le reconnaître et de goûter ses bienfaits, il ne s’est pas donné la mission de les rendre pareilles entre elles : son royaume, on peut le dire hardiment, dans le sens dont il s’agit ici, n’est pas de ce monde.

Malgré ce qui précède, je crains que quelques personnes, trop accoutumées, par une participation naturelle aux idées du temps, à juger les mérites du christianisme à travers les préjugés de notre époque, n’aient quelque peine à se détacher de notions inexactes, et, tout en acceptant en gros les observations que je viens d’exposer, ne se sentent portées à donner à l’action indirecte de la religion sur les mœurs, et des mœurs sur les institutions, et des institutions sur l’ensemble de l’ordre social, une puissance déterminante que je conclus à ne pas lui reconnaître. Ces contradicteurs penseront que, ne fût-ce que par l’influence personnelle des propagateurs de la foi, il y a, dans leur seule fréquentation, de quoi modifier sensiblement la situation politique des convertis et leurs notions de bien-être matériel. Ils diront, par exemple, que ces apôtres, sortis presque constamment, bien que non pas nécessairement, d’une nation plus avancée que celle à laquelle ils apportent la foi,