Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/115

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de certains groupes humains, on finit par se montrer par trop facile à satisfaire, et par ressentir des enthousiasmes peu flatteurs pour ceux-là mêmes qui les excitent.

Je sais que des hommes très érudits, très savants, ont donné lieu à ces réhabilitations un peu grossières, en prétendant qu’entre certaines races humaines et les grandes espèces de singes il n’y avait que des nuances pour toute séparation. Comme je repousse sans réserve une telle injure, il m’est également permis de ne pas tenir compte de l’exagération par laquelle on y répond. Sans doute, à mes yeux, les races humaines sont inégales ; mais je ne crois d’aucune qu’elle ait la brute à côté d’elle et semblable à elle. La dernière tribu, la plus grossière variété, le sous-genre le plus misérable de notre espèce est au moins susceptible d’imitation, et je ne doute pas qu’en prenant un sujet quelconque parmi les plus hideux Boschimens, on ne puisse obtenir, non pas de ce sujet même, s’il est déjà adulte, mais de son fils, à tout le moins de son petit-fils, assez de conception pour apprendre et exercer un état, voire même un état qui demande un certain degré d’étude. En conclura-t-on que la nation à laquelle appartient cet individu pourra être civilisée à notre manière ? C’est raisonner légèrement et conclure vite. Il y a loin entre la pratique des métiers et des arts, produits d’une civilisation avancée, et cette civilisation elle-même. Et d’ailleurs les missionnaires protestants, chaînon indispensable qui rattache la tribu sauvage à convertir au centre initiateur, est-on bien certain qu’ils soient suffisants pour la tâche qu’on leur impose ? Sont-ils donc les dépositaires d’une science sociale bien complète ? J’en doute ; et si la communication venait soudain à se rompre entre le gouvernement américain et les mandataires spirituels qu’il entretient chez les Cherokees, le voyageur, au bout de quelques années, retrouverait dans les fermes des indigènes des institutions bien inattendues, bien nouvelles, résultat du mélange de quelques blancs avec ces peaux rouges, et il ne reconnaîtrait plus qu’un bien pâle reflet de ce qui s’enseigne à New York.

On parle souvent de nègres qui ont appris la musique, de