Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/141

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mais, affectant même d’oublier le français, y parviennent souvent. J’approuverais donc, avec plus de tranquillité d’âme, tant d’efforts généreux vainement dépensés pour instruire nos populations rurales, si je n’étais convaincu que la science qu’on veut leur donner ne leur convient pas, et qu’il y a, au fond de leur nonchalance apparente, un sentiment invinciblement hostile à notre civilisation. J’en trouve une preuve dans cette résistance passive ; mais ce n’est pas la seule, et là où on parvient, avec l’aide de circonstances qui semblent favorables, à faire céder cette obstination, une autre preuve plus convaincante encore m’apparaît et me poursuit. Sur quelques points, on réussit mieux dans les tentatives d’instruction. Nos départements de l’est et nos grandes villes manufacturières comptent beaucoup d’ouvriers qui apprennent volontiers à lire et à écrire. Ils vivent dans un milieu qui leur en démontre l’utilité. Mais aussitôt que ces hommes possèdent à un degré suffisant les premiers éléments de l’instruction, qu’en font-ils pour la plupart ? Des moyens d’acquérir telles idées et tels sentiments non plus instinctivement, mais désormais activement hostiles à l’ordre social. Je ne fais une exception que pour nos populations agricoles et même ouvrières du nord-est, où les connaissances élémentaires sont beaucoup plus répandues que partout ailleurs, conservées une fois acquises, et ne portent généralement que de bons fruits. On remarquera que ces populations tiennent de beaucoup plus près que toutes les autres à la race germanique, et je ne m’étonne pas de les voir ce qu’elles sont. Ce que je dis ici de nos départements du nord-est s’applique à la Belgique et à la Néerlande.

Si, après avoir constaté le peu de goût pour notre civilisation, nous considérons le fond des croyances et des opinions, l’éloignement devient encore plus remarquable. Quant aux croyances, c’est encore là qu’il faut remercier la foi chrétienne de n’être pas exclusive et de n’avoir pas voulu imposer un formulaire trop étroit. Elle aurait rencontré des écueils bien dangereux. Les évêques et les curés ont à lutter, non moins aujourd’hui qu’il y a un siècle, qu’il y en a cinq, qu’il y en a quinze, contre des préventions et des tendances transmises