Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/218

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longation de la vie de l’abondance du gibier et de la richesse de la pêche. Elles savent, puisqu’elles achètent de l’eau-de-vie, des couvertures, des fusils, que même leurs goûts grossiers trouveraient plus aisément satisfaction dans les rangs de cette société qui les appelle, qui les sollicite à venir, qui les paye et les flatte pour avoir leur concours. Elles s’y refusent, elles aiment mieux fuir de solitudes en solitudes ; elles s’enfoncent de plus en plus dans l’intérieur des terres. Elles abandonnent tout, jusqu’aux os de leurs pères. Elles mourront, elles le savent ; mais une mystérieuse horreur les maintient sous le joug de leurs invincibles répugnances, et, tout en admirant la force et la supériorité de la race blanche, leur conscience, leur nature entière, leur sang enfin, se révoltent à la seule idée d’avoir rien de commun avec elle.

Dans l’Amérique espagnole on croit rencontrer moins d’aversion chez les indigènes. C’est que le gouvernement métropolitain avait jadis laissé ces peuples sous l’administration de leurs caciques. Il ne cherchait pas à les civiliser. Il leur permettait de conserver leurs usages et leurs lois, et, pourvu qu’ils fussent chrétiens, il ne leur demandait qu’un tribut d’argent. Lui-même ne colonisait guère. La conquête une fois achevée, il s’abandonna à une tolérance indolente, et n’opprima que par boutades. C’est pourquoi les Indiens de l’Amérique espagnole sont moins malheureux et continuent à vivre, tandis que les voisins des Anglo-Saxons périront sans miséricorde.

Ce n’est pas seulement pour les sauvages que la civilisation est incommunicable, c’est aussi pour les peuples éclairés. La bonne volonté et la philanthropie française en font, en ce moment, l’épreuve dans l’ancienne régence d’Alger d’une manière non moins complète que les Anglais dans l’Inde et les Hollandais à Batavia. Pas d’exemples, pas de preuves plus frappantes, plus concluantes de la dissemblance et de l’inégalité des races entre elles.

Car si l’on raisonnait seulement d’après la barbarie de certains peuples, et que, déclarant cette barbarie originelle, on en conclût que toute espèce de culture leur est refusée, on s’exposerait à des objections sérieuses. Beaucoup de nations