Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/223

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sans doute, un moment, que l’Asie allait devenir grecque, et d’autant mieux, que le vainqueur s’était permis, dans une nuit d’égarement, contre les monuments du pays, des actes d’une agression tellement violente qu’elle semblait témoigner d’autant de mépris que de haine. Mais l’incendiaire de Persépolis changea bientôt d’avis, et si complètement que l’on put deviner son projet de se substituer purement et simplement à la dynastie des Achéménides et de gouverner comme son prédécesseur ou comme le grand Xerxès, avec la Grèce de plus dans ses États. De cette façon, la sociabilité persane aurait absorbé celle des Hellènes.

Cependant, malgré toute l’autorité d’Alexandre, rien de semblable n’arriva. Ses généraux, ses soldats ne s’accommodèrent pas de le voir revêtir la robe longue et flottante, ceindre la mitre, s’entourer d’eunuques et renier son pays. Il mourut. Quelques-uns de ses successeurs continuèrent son système. Ils furent pourtant forcés de le mitiger, et pourquoi encore purent-ils établir ce moyen terme qui devint l’état normal de la côte asiatique et des hellénisants d’Égypte ? Parce que leurs sujets se composèrent d’une population bigarrée de Grecs, de Syriens, d’Arabes, qui n’avait nul motif pour accepter autre chose qu’un compromis en fait de culture. Mais là où les races restèrent distinctes, point de transaction. Chaque pays garda ses mœurs nationales.

De même encore, jusqu’aux derniers jours de l’empire romain, la civilisation métisse qui régnait dans tout l’Orient, y compris alors la Grèce continentale, était devenue beaucoup plus asiatique que grecque, parce que les masses tenaient beaucoup plus du premier sang que du second. L’intelligence semblait, il est vrai, se piquer de formes helléniques. Il n’est cependant pas malaisé de découvrir, dans la pensée de ces temps et de ces pays, un fond oriental qui vivifie tout ce qu’a fait l’école d’Alexandrie, comme les doctrines unitaires des jurisconsultes gréco-syriens. Ainsi la proportion, quant à la quantité respective du sang, est gardée : la prépondérance appartient à la part la plus abondante.

Avant de terminer ce parallèle, qui s’applique au contact de