Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taines règles propres à favoriser le développement mélodique des sons, s’il peut être taxé, au point de vue comparatif, d’atteindre à ces résultats moins bien que d’autres langues, on n’est pas en droit de méconnaître que, lui aussi, les poursuit. Dès lors, il y a dans les premiers éléments du chinois autre chose et plus qu’un simple amoncellement d’articulations utilitaires[1].

  1. Je serais porté à croire que la nature monosyllabique du chinois ne constitue pas un caractère linguistique spécifique, et, malgré ce que cette particularité offre de saillant, elle ne me paraît pas essentielle. Si cela était, le chinois serait une langue isolée et se rattacherait, tout au plus, aux idiomes qui peuvent offrir la même structure. On sait qu’il n’en est rien. Le chinois fait partie du système tatare ou finnois, qui possède des branches parfaitement polysyllabiques. Puis, dans des groupes de toute autre origine, on retrouve des spécimens de la même nature. Je n’insisterai pas trop sur l’othomi. Cet idiome mexicain, suivant du Ponceau, présente, à la vérité, les traces que je relève ici dans le chinois, et cependant, placé au milieu des dialectes américains, comme le chinois parmi les langues tatares, l’othomi n’en fait pas moins partie de leur réseau. (Voir Morton, An Inquiry into the distinctive characteristics of the aboriginal race of America, Philadelphia, 1844; voir aussi Prescott, History of the conquest of Mejico, t. III, p. 245.) Ce qui m’empêcherait d’attacher à ce fait toute l’importance qu’il semble comporter, c’est qu’on pourrait alléguer que les langues américaines, langues ultra-polysyllabiques, puisque, seules au monde avec l’euskara, elles poussent la faculté de combiner les sons et les idées jusqu’au polysynthétisme, seront peut-être un jour reconnues comme ne formant qu’un vaste rameau de la famille tatare, et qu’en conséquence l’argument que j’en tirerais se trouverait corroborer seulement ce que j’ai dit de la parenté du chinois avec les idiomes ambiants, parenté que ne dément, en aucune façon, la nature particulière de la langue du Céleste Empire. Je trouve donc un exemple plus concluant dans le copte, qu’on supposera difficilement allié au chinois. Là, également, toutes les syllabes sont des racines et des racines qui se modifient par de simples affixes tellement mobiles, que, même pour marquer les temps du verbe, la particule déterminante ne reste pas toujours annexée au mot. Par exemple : hôn veut dire ordonner ; a-hôn, il ordonna ; Moïse ordonna, se dit : a Moyses hôn. (Voir E. Meier’s, hebraeisches Wurzelwœrterbuch, in-8o; Mannheim, 1845.) Il me paraît donc que le monosyllabisme peut se présenter chez toutes les familles d’idiomes. C’est une sorte d’infirmité déterminée par des accidents d’une nature encore inconnue, mais point un trait spécifique propre