Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/240

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langue noble et très cultivée passant, par son union avec un idiome barbare, à une sorte de barbarie relative, se dépouillant par degrés de ses plus belles facultés, s’appauvrissant de mots, se desséchant de formes, et témoignant ainsi d’un irrésistible penchant à s’assimiler, de plus en plus, au compagnon de mérite inférieur que l’accouplement des races lui aura donné. C’est ce qui est arrivé au valaque et au rhétien, au kawi et au birman. L’un et l’autre de ces derniers idiomes sont imprégnés d’éléments sanscrits, et, malgré la noblesse de cette alliance, les juges compétents les déclarent inférieurs en mérite au delaware (1)[1].

Issue du tronc des Lenni-Lénapes, l’association de tribus qui parle ce dialecte vaut primitivement plus que les deux groupes jaunes remorqués par la civilisation hindoue, et si, malgré cette prérogative, elle est au-dessous d’eux, c’est que les Asiatiques en question vivent sous l’impression des inventions sociales d’une race noble, et profitent de ces mérites, tout en étant peu de chose par eux-mêmes. Le contact sanscrit a suffi pour les élever assez haut, tandis que les Lénapes, que rien de semblable n’a fécondés jamais, n’ont pu monter, en civilisation, au-dessus de la valeur qu’on leur voit. C’est ainsi, pour me servir d’une comparaison facile à apprécier, que les jeunes mulâtres élevés dans les collèges de Londres et de Paris, peuvent, tout en restant mulâtres et très mulâtres, présenter, sous certains rapports, une apparence de culture plus satisfaisante que tels habitants de l’Italie méridionale dont la valeur intime est incontestablement plus grande. Il faut donc, lorsqu’on rencontre un peuple sauvage en possession d’un idiome supérieur à celui de nations plus civilisées, distinguer soigneusement si la

  1. (1) W. de Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache, Einl., p. XXXIV : « Angeblich rohe und ungebildete Sprachen kœnnen hervorstechende Trefflichkeiten in ihrem Baue besitzen und besitzen dieselben wirklich, und es waere nicht unmoeglich dass sie darin hoeher gebildete übertraefen. Schon die Vergleichung der Barmanischen, in welche das Pâli unläugbar einen Theil indischer Kultur verwebt hat, mit der Delaware-Sprache, geschweige denn mit der Mexicanischen, dürfte das Urtheil über den Vorzug der letzteren kaum zweifelhaft lassen. »