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ne pas lui appartenir originairement. Après les Juifs, je pourrais citer encore l’exemple des Tsiganes et de bien d’autres peuples (1)[1].

On voit avec quelle prudence il convient d’user de l’affinité et même de la similitude des langues pour conclure à l’identité des races, puisque, non seulement des nations nombreuses n’emploient que des langages altérés dont les principaux éléments n’ont pas été fournis par elles, témoin la plupart des populations de l’Asie occidentale et presque toutes celles de l’Europe méridionale, mais encore que plusieurs autres en ont adopté de complètement étrangers, à la confection desquels elles n’ont presque pas contribué. Ce dernier fait est sans doute plus rare. Il se présente même comme une anomalie. Il suffit cependant qu’il puisse avoir lieu pour qu’on ait à se tenir en garde contre un genre de preuves qui souffre de telles déviations. Toutefois, puisque le fait est anormal, puisqu’il ne se rencontre pas aussi fréquemment que son opposite, c’est-à-dire la conservation séculaire d’idiomes nationaux par de très faibles groupes humains ; puisque l’on voit aussi combien les langues ressemblent au génie particulier du peuple qui les crée, et combien elles s’altèrent justement dans la mesure où le sang de ce peuple se modifie ; puisque le rôle qu’elles jouent dans la formation de leurs dérivées est proportionnel à l’influence numérique de la race qui les apporte dans le nouveau mélange, tout donne le droit de conclure qu’un peuple ne saurait avoir une langue valant mieux que lui-même, à moins de raisons spéciales. Comme on ne saurait trop insister sur ce point, je vais en faire ressortir l’évidence par une nouvelle espèce de démonstration.

On a vu déjà que, dans une nation d’essence composite, la

  1. (1) Il est encore un cas qui peut se présenter, c'est celui où une population parle deux langues. Dans les Grisons, presque tous les paysans de l'Engadine emploient avec une égale facilité le romanche dans leurs rapports entre compatriotes, l'allemand quand ils s'adressent à des étrangers. En Courlande, il est un district où les paysans, pour s'entretenir entre eux, se servent de l'esthonien, dialecte finnois. Avec toute autre personne, ils parlent letton. (Voir Pott, Encycl. Ersch und Gruber, indo-germanischer Sprachstamm, p. 104.)