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civilisation n’existe pas pour toutes les couches successives (1)[1]. En même temps que les anciennes causes ethniques poursuivent leur travail dans le bas de l’échelle sociale, elles n’y admettent, elles n’y laissent pénétrer que faiblement, et d’une façon tout à fait transitoire, les influences du génie national dirigeant. J’appliquais naguère ce principe à la France, et je disais que, sur ses 36 millions d’habitants, il y en avait, au moins, 20 qui ne prenaient qu’une part forcée, passive, temporaire, au développement civilisateur de l’Europe moderne. Excepté la Grande-Bretagne, servie par une plus grande unité dans ses types, conséquence de son isolement insulaire, cette triste proportion est plus considérable encore sur le reste du continent. Puisqu’une fois déjà j’ai choisi la France pour exemple, je m’y tiens, et crois trouver que mon opinion sur l’état ethnique de ce pays, et celle que je viens d’exprimer à l’instant pour toutes les races en général, quant à la parfaite concordance du type et de la langue, s’y confirment l’une l’autre d’une manière frappante.

Nous savons peu, ou, pour mieux dire, nous ne savons pas, preuves en main, par quelles phases le celtique et le latin rustique (2)[2] ont d’abord dû passer avant de se rapprocher et de finir par se confondre. Saint Jérôme et son contemporain Sulpice Sévère nous apprennent pourtant, le premier dans ses Commentaires sur l’Épître de saint Paul aux Galates, le second dans son Dialogue sur les mérites des moines d’Orient, que, de leur temps, on parlait au moins deux langues vulgaires dans la Gaule : le celtique, conservé si pur sur les bords du Rhin, que le langage des Gallo-Grecs, éloignés de la mère patrie depuis

  1. (1) Voir p. 96-98.
  2. (2) La route n'était pas si longue du latin rustique, lingua rustica Romanorum, lingua romana, du roman, en un mot, à la corruption, que de la langue élégante, dont les formes précises et cultivées présentaient plus de résistance. Il est aussi à remarquer que, chaque légionnaire étranger apportant dans les colonies de la Gaule le patois de ses provinces, l'avènement d'un dialecte général et mitoyen était hâté, non seulement par les Celtes, mais par les émigrants eux-mêmes.