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Ainsi que je l’ai déjà annoncé, l’impression éprouvée par les Chamites blancs, à la vue de leurs hideux antagonistes, est peinte des mêmes couleurs dont les conquérants hindous ont plus tard revêtu leurs ennemis locaux, frères de ceux-là. Ce sont, pour les nouveaux venus, des êtres féroces et d’une taille gigantesque. Ce sont des monstres également redoutables par leur laideur, leur vigueur et leur méchanceté. Si la première conquête fut difficile, et par l’épaisseur des masses attaquées, et par leur résistance, soit furieuse, soit stupidement inerte, le maintien des États qu’inaugurait la victoire ne dut pas exiger moins d’énergie. La compression devint l’unique moyen de gouvernement. Voilà pourquoi Nemrod, dont je citais le nom tout à l’heure, fut un grand chasseur devant l’Éternel (1)[1].

Toutes les sociétés issues de cette première immigration révélèrent le même caractère de despotisme altier et sans bornes.

Mais, vivant en despotes au milieu de leurs esclaves, les Chamites donnèrent bientôt naissance à une population métisse. Dès lors, la position des anciens conquérants devint moins éminente, et celle des peuples vaincus moins abjecte.

L’omnipotence gouvernementale ne pouvait pourtant rien perdre de ses prérogatives, trop conformes, par leur nature excessive, à l’esprit même de l’espèce noire. Aussi n’y eut-il aucune modification dans l’idée qu’on se faisait de la façon et des droits de régner. Seulement, le pouvoir, désormais, s’exerça à un autre titre que celui de la supériorité du sang. Son principe fut limité à ne plus supposer que des préexcellences de familles et non plus de peuples. L’opinion qu’on avait du caractère des dominateurs commença cette marche décroissante, qui toujours s’accomplit dans l’histoire des nations mêlées.

Les anciens Chamites blancs allèrent se perdant chaque jour, et finirent par disparaître. Leur descendance mulâtre, qui pouvait très bien encore porter leur nom comme un titre d’honneur, devint par degrés, un peuple saturé de noir. Ainsi le voulaient les branches génératrices les plus nombreuses de

  1. (1) Movers, das Phoenizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 271.