Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/316

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méditerranéenne. Melkart et son peuple étaient sortis du limon sur lequel s’élevaient leurs demeures. Dans d’autres pays et dans d’autres temps, les Hindous, les Grecs, les Italiens et d’autres nations empruntèrent la même erreur aux mêmes sources.

Mais les faits vont à leurs conséquences, sans se soucier du concours des opinions. Les Sémites ne purent, sans doute, devenir des dieux puisqu’ils n’avaient pas le sang pur et que, prépondérants, ils ne l’étaient pas assez pour agir sur les imaginations au degré nécessaire à l’apothéose. Les Chamites noirs surent également leur refuser l’entrée des sacerdoces réservés depuis tant de siècles aux mêmes familles. Alors les Sémites humilièrent la théocratie et, plus haut qu’elle, placèrent le gouvernement et le pouvoir du sabre. Après une lutte assez vive, de sacerdotal, monarchique et absolu, le gouvernement des villes phéniciennes devint aristocratique, républicain et absolu, ne gardant ainsi de la triade de forces qu’il remplaçait que la dernière.

Il ne détruisit pas complètement les deux autres, fidèle en cela au rôle réformateur, modificateur, plutôt que révolutionnaire, imposé à ses actes par son origine, si voisine de celle des Chamites noirs, et dès lors respectueuse pour le fond de leurs œuvres. Parmi les grandeurs de son aristocratie, il fit une place des plus honorables aux pontificats. Il leur assigna dans l’État le second rang, et continua à en laisser les honneurs aux nobles familles chamites qui jusqu’alors les avaient possédés. La royauté ne fut pas traitée si bien. Peut-être, d’ailleurs, les Chamites noirs eux-mêmes n’en avaient-ils jamais que médiocrement développé la puissance, comme on est tenté de le croire pour les États assyriens.

Soit qu’on acceptât désormais, dans le gouvernement des villes phéniciennes, un chef unique, ou bien, combinaison plus fréquente, que la couronne dédoublée se partageât entre deux rois intentionnellement choisis dans deux maisons rivales, l’autorité de ces chefs suprêmes devint entièrement limitée, surveillée, contrainte, et on ne leur accorda guère, avec plénitude, que des prérogatives sans effet et des splendeurs sans liberté. Il est permis de croire que les Sémites étendirent à