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la multiplicité des branches sémitiques, la nature grecque, tout parla haut, tout parla fort. Il fut impossible de s’entendre, et l’on s’aperçut que, loin de prétendre à retrouver jamais un système de gouvernement logique et fermement dessiné, il faudrait s’estimer très heureux quand on pourrait obtenir une paix temporaire au moyen de compromis passagers. Après la fondation de Carthage, Tyr ne créa pas de colonies nouvelles. Les anciennes, désertant sa cause, se rallièrent, l’une après l’autre, à la cité patricienne, qui devint ainsi leur capitale : rien de plus logique. Elles ne déplacèrent pas leur obéissance : le sol métropolitain fut seul changé. La race dominatrice resta la même, et si bien la même, que désormais ce fut elle qui colonisa. À la fin du VIIIe siècle, elle posséda des établissements en Sardaigne : elle-même n’avait pas encore cent années d’existence. Cinquante ans plus tard, elle s’emparait des Baléares. Dans le VIe siècle, elle faisait réoccuper par des colons libyens toutes les cités autrefois phéniciennes de l’Occident, trop peu peuplées à son gré (1)[1]. Or, dans les nouveaux venus, le sang noir dominait encore plus que sur la côte de Chanaan, d’où étaient venus leurs prédécesseurs : aussi, lorsque, peu de temps avant J.-C., Strabon écrivait que la plus grande partie de l’Espagne était au pouvoir des Phéniciens, que trois cents villes du littoral de la Méditerranée, pour le moins, n’avaient pas d’autres habitants, cela signifiait que ces populations étaient formées d’une base noire assez épaisse sur laquelle étaient venus se superposer, dans une proportion moindre, des éléments tirés des races blanche et jaune ramenées encore par des alluvions carthaginoises vers le naturel mélanien.

Ce fut de son patriciat chamite que la patrie d’Annibal reçut sa grande prépondérance sur tous les peuples plus noirs. Tyr, privée de cette force et livrée à une complète incohérence de race, s’enfonça dans l’anarchie à pas de géant.

Peu de temps après le départ de ses nobles, elle tomba, pour toujours, dans la servitude étrangère, d’abord assyrienne,

  1. (1) Movers, t. II, 2e partie, p. 629.