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et vint le passer au château de Trye, qu’il avait acheté en 1857, après la mort de son oncle. Il s’était attaché à cette terre qui avait fait partie autrefois des domaines de la race d’Ottar Jarl. Il était maire de Trye, et membre du conseil général de l’Oise pour le canton de Chaumont-en-Vexin. Nos premières défaites le trouvèrent là. Elles le désolèrent sans l’étonner. Il avait fidèlement servi l’Empire, qui lui avait même inspiré beaucoup de sympathie à son début ; mais depuis quelques années il ne se faisait plus d’illusions et voyait clairement l’abîme vers lequel une politique d’aventures et de caprices conduisait la France.

Les chants de la Marseillaise, les cris « à Berlin ! » répugnaient à sa nature. Il ne donnait pas le nom de patriotisme à ces surexcitations maladives trop communes chez les races latines. Il y voyait des symptômes funestes.

Avec beaucoup de fermeté, il essaya pourtant d’organiser la résistance autour de lui ; puis, quand l’invasion arriva, demeuré calme et digne devant le vainqueur, raisonnant avec lui, parlant sa langue, il obtint des concessions qui allégèrent le poids du désastre non seulement à son canton, mais à tout le département.

A l’armistice, la ville de Beauvais lui vota des remerciements publics. On voulait l’envoyer à la Chambre ; plus tard il fut question de le porter pour le Sénat. Il n’accepta point ces candidatures. Il ne se représenta même plus, dans la suite, pour le conseil général.

Il avait vu de près bien des bassesses, bien des lâchetés, et le suffrage universel, grossier, plein de méfiance pour les caractères délicats et élevés, leur inspire, en retour, un inévitable éloignement.