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en face l’une de l’autre, la moins noble ait quelquefois des succès passagers. L’Abyssinie ne tira jamais assez d’avantages de ses victoires dans l’Yémen pour y former un établissement durable. Seulement, le supplément de sang noir qu’elle y apporta ne contribua pas peu à hâter la submersion du mérite des Himyarites (1)[1].

Les rapports des populations arabes avec l’Éthiopie, au temps de l’islamisme, eurent un sens ethnique tout contraire. Dirigés, et en grande partie exécutés par des Ismaélites, au lieu d’abâtardir l’espèce dans la péninsule, ils la renouvelèrent chez les hommes d’Afrique. Ni la Grèce ni Rome, malgré la gloire de leur nom et la majesté de leurs exemples, n’avaient eu le pouvoir d’entraîner les Abyssins dans le sein de leurs civilisations. Les Sémites de Mahomet opérèrent cette conversion et obtinrent, non pas tant des apostasies religieuses, qui ne furent jamais très complètes, que de nombreuses désertions de l’ancienne forme sociale. Le sang des nouveaux venus et celui des anciens habitants se mêla abondamment. Sans peine les esprits se reconnurent et s’entendirent, ils eurent la même logique, ils comprirent les faits de la même façon. Le sang hindou s’était assez tari pour n’avoir plus rien à prétendre dans la domination. Le costume, les mœurs, les principes de gouvernement et le goût littéraire des Arabes envahirent sur les souvenirs du passé ; mais l’œuvre ne fut pas complète. La civilisation musulmane proprement dite ne pénétra jamais bien. Dans sa plus belle expression, elle avait pour raison d’être une combinaison ethnique trop différente de celle des populations abyssines. Ces dernières se bornèrent simplement à épeler la portion sémitique de la culture musulmane, et jusqu’à nos jours, chrétiennes ou mahométanes, elles n’ont pas eu autre chose, elles n’ont pas eu davantage et n’ont pas cessé d’être la fin, le terme extrême, l’application frontière de cette civilisation gréco-sémitique, comme dans l’antiquité la plus lointaine, où j’ai hâte de retourner, elles n’avaient été



(1) Johannsen, Historia Jemanæ, p. 89 et passim. — La domination des Abyssins dans l’Yémen fut d’une très courte durée, elle commença en 529 de notre ère et finit en 589. (Ibid., p. 100.)

  1. (1) Johannsen, Historia Jemanæ, p. 89 et passim. — La domination des Abyssins dans l’Yémen fut d’une très courte durée, elle commença en 529 de notre ère et finit en 589. (Ibid., p. 100.)