Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/428

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généreux pour entretenir sa vie simple et pacifique. Il ne portait pas les armes ; il n’était pas d’une race ennemie. Sorti de la famille même du viç-pati ou de sa tribu, il était le fils, le frère, le cousin des guerriers (1)[1]. Il communiquait sa science à des disciples qui pouvaient le quitter à leur gré et reprendre l’arc et la flèche. C’était donc insensiblement et par des voies inconnues, même à ceux qui les suivaient, que le brahmanisme jetait ainsi les fondements d’une autorité qui allait devenir exorbitante.

Un des premiers pas que fit le sacerdoce dans le maniement direct des affaires temporelles, témoigne d’un grand perfectionnement politique et moral chez ces contemporains d’une époque que les érudits allemands appellent, avec une poétique justesse, la grise antériorité des temps (2)[2]. Les viç-pati comprirent qu’il serait bon de ne plus être pour leurs administrés, qui, insensiblement, devenaient leurs sujets, les produits irréguliers de la ruse ou de la violence heureuse. On voulut qu’une consécration supérieure à l’élection populaire investît les pasteurs des peuples de droits particuliers au respect, et on imagina de faire dépendre la légitimité de leur caractère d’une espèce de sacre administré par les purohitas (3)[3]. Dès lors l’importance des rois s’accrut sans doute, car ils étaient devenus participants à la nature des choses saintes, même sans avoir encore détrôné un dieu. Mais le pouvoir mondain du sacerdoce fut également fondé, et l’on devine maintenant ce qu’il va devenir entre les mains d’hommes éclairés, pacifiques, d’une redoutable énergie dans le bien, et qui, sachant que, pour une nation dévouée, corps et âme, à l’admiration de la bravoure, aucun prétexte, si sacré fût-il, ne pouvait couvrir le soupçon d’être lâche, commençaient déjà à pratiquer des doctrines austères d’abstinences intrépides et de renoncements obstinés. Cet esprit de pénitence devait



(1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 812.

(2) Die graue Vorzeit.

(3) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 812. La consécration royale, dont il est si fort question dans le Ramayana, a encore été pratiquée dans les temps modernes. W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t. I, p. 430.


  1. (1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 812.
  2. (2) Die graue Vorzeit.
  3. (3) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 812. La consécration royale, dont il est si fort question dans le Ramayana, a encore été pratiquée dans les temps modernes. W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t. I, p. 430.