Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/434

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résultat aux intelligences mal créées pour la recevoir ; puis, que si le savoir est une force et exerce un prestige, c’est à la condition d’avoir des spectateurs qui se peuvent faire, par eux-mêmes, une idée juste de son mérite, et qui, pour être en état d’en apprécier la valeur, doivent au moins avoir approché les lèvres de sa coupe.

Loin donc de défendre l’instruction aux kschattryas, les purohitas la leur recommandèrent, leur permirent la lecture des livres sacrés, les engagèrent à se les faire expliquer, et les virent avec complaisance s’adonner aux connaissances laïques, telles que la poésie, l’histoire et l’astronomie. Ils formaient ainsi, autour d’eux, une classe militaire intelligente autant que brave, et qui, si elle pouvait un jour trouver, dans l’éveil de ses idées, des excitations à combattre les progrès du sacerdoce, n’y rencontrait pas moins de motifs d’en être séduite, d’y sourire et de les favoriser au nom de cette sympathie instinctive que l’esprit inspire à l’esprit et le talent au talent. Toutefois, il ne faut pas se le dissimuler : quelles que fussent les dispositions intimes des kschattryas, l’intérêt général de leur caste et la nature des choses en faisaient pour les novateurs religieux une terrible pierre d’achoppement, et un danger devait tôt ou tard se montrer de ce côté-là.

Il n’en était pas de même de la varna qui venait après la caste guerrière. Ce fut celle des vayçias, supposés moins blancs que les deux catégories sociales supérieures, et qui, probablement aussi, étaient moins riches et moins influents dans la société. Toutefois, leur parenté avec les deux hautes castes étant encore évidente et indiscutable, le nouveau système les considéra comme des hommes d’élite, des hommes deux fois nés (dvidja), expression consacrée pour représenter l’excellence de la race vis-à-vis des populations aborigènes (1)[1], et on en forma le peuple, le gros de la nation proprement dite, au-dessus duquel étaient les prêtres et les soldats, et ce fut pour cette raison que le nom d’Arians, abandonné par les kschattryas, comme par les purohitas, plus fiers, les uns de

  1. (1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 818.