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Il affirmait pouvoir conduire les hommes, non seulement dans le sein de Brahma, d’où, après un temps, l’ancienne théologie enseignait que, par suite de l’épuisement des mérites, il fallait sortir pour recommencer la série des existences terrestres, mais dans l’essence du Bouddha parfait, où l’on trouvait le nirwana, c’est-à-dire le complet et éternel néant. Ainsi le brahmanisme était un panthéisme très compliqué, et le bouddhisme le compliquait encore en le faisant poursuivre sa route jusqu’à l’abîme de la négation (1)[1].

Maintenant, comment Sakya produisait-il ses idées et cherchait-il à les répandre ? Il commença par renoncer au trône ; il se couvrit d’une robe de grosse toile commune et jaune, composée de haillons qu’il avait recueillis lui-même dans les bourriers, dans les cimetières, et cousus de sa main ; il prit un bâton et une écuelle, et désormais ne mangea plus que ce que l’aumône voulut lui donner. Il s’arrêtait sur les places publiques des villes et des villages et prêchait sa doctrine morale (2)[2]. Se trouvait-il là des brahmanes, il faisait avec eux assaut de science et de subtilité, et les assistants écoutaient, pendant des heures entières, une polémique qu’enflammait la conviction égale des antagonistes. Bientôt il eut des disciples. Il en recruta beaucoup dans la caste militaire, peut-être plus encore dans celle des vayçias, alors bien puissante et bien honorée, comme fort riche. Quelques brahmanes vinrent aussi à lui. Ce fut surtout dans le bas peuple qu’il enrôla ses plus nombreux prosélytes (3)[3]. Du moment qu’il avait repoussé les prescriptions des Védas, les séparations des castes n’existaient plus pour lui, et il déclarait ne reconnaître d’autre supériorité que celle de la vertu (4)[4].



(1) Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 831 ; Burnouf, Introduction à l’hist. du bouddhisme indien, t. I, p. 152 et passim.

(2) Burnouf, Introd. à l’hist. du bouddh. indien, t. I, p. 194.

(3) Un de ses principaux arguments à l’adresse des hommes des basses castes était de leur dire que, dans leurs existences antérieures, ils avaient fait partie des plus hautes, et que, par le seul fait qu’ils l’écoutaient, ils étaient dignes d’y rentrer. (Burnouf, ouvr. cité, t. I, p. 196.)

(4) Ouvrage cité, t. I, p. 211.


  1. (1) Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 831 ; Burnouf, Introduction à l’hist. du bouddhisme indien, t. I, p. 152 et passim.
  2. (2) Burnouf, Introd. à l’hist. du bouddh. indien, t. I, p. 194.
  3. (3) Un de ses principaux arguments à l’adresse des hommes des basses castes était de leur dire que, dans leurs existences antérieures, ils avaient fait partie des plus hautes, et que, par le seul fait qu’ils l’écoutaient, ils étaient dignes d’y rentrer. (Burnouf, ouvr. cité, t. I, p. 196.)
  4. (4) Ouvrage cité, t. I, p. 211.