Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/514

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substitué à la doctrine de leurs adversaires l’égalité absolue. Cependant, comme ils étaient poursuivis, malgré eux et en vertu de leur origine blanche, par l’idée indestructible d’une inégalité annexée à la race, ils conçurent la pensée singulière d’anoblir les pères par leurs enfants, au lieu de rester fidèles à l’antique notion de l’illustration des enfants par la gloire des pères. Impossible de voir dans cette institution, qui relève, suivant le mérite d’un homme, un certain nombre des générations ascendantes, un système emprunté aux peuples jaunes. Il ne se trouve nulle part chez eux, que là où la civilisation chinoise l’a importé. En outre, cette bizarrerie répugne à toute idée réfléchie, et, même en se mettant au point de vue chinois, elle est encore absurde. La noblesse est une prérogative honorable pour qui la possède. Si l’on veut la faire adhérer uniquement au mérite, il n’est pas besoin de lui créer un rang à part dans l’État en la forçant de monter ou de descendre autour de la personne qui en jouit. Si, au contraire, on se préoccupe de lui créer une suite, une conséquence étendue à la famille de l’homme favorisé, ce n’est pas à ses aïeux qu’il faut l’appliquer, puisqu’ils n’en peuvent jouir. Autre raison très forte : il n’y a aucune espèce d’avantage, pour celui qui reçoit une telle récompense, à en parer ses ancêtres, dans un pays où tous les ancêtres sans distinction, étant l’objet d’un culte officiel et national, sont assez respectés et même adorés. Un titre de noblesse rétrospectif n’ajoute donc que peu de chose aux honneurs dont ils jouissent. Ne cherchons pas, en conséquence, dans l’idée chinoise ce qu’elle a l’air de donner, mais bien une opposition aux doctrines brahmaniques, dont les kschattryas immigrants avaient horreur et qu’ils voulaient combattre. Le fait est d’autant plus incontestable, qu’à côté de cette noblesse fictive les Chinois n’ont pu empêcher la formation d’une autre, qui est très réelle et qui se fonde, comme partout ailleurs, sur les prérogatives de la descendance. Cette aristocratie est composée des fils, petits-fils et agnats des maisons impériales, de ceux de Confucius, de ceux de Meng-tseu, et encore de plusieurs autres personnages vénérés. À la vérité, cette classe fort nombreuse ne possède que des privilèges