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le portrait, ils obtiennent aussi des succès honorables, et, assez habiles à saisir le caractère des physionomies, ils peuvent lutter avec les plats chefs-d’œuvre du daguerréotype. Puis, c’est là tout. Les grandes peintures sont bizarres, sans génie, sans énergie, sans goût. La sculpture se borne à des représentations monstrueuses et communes. Les vases ont les formes qu’on leur connaît. Cherchant le bizarre et l’inattendu, leurs bronzes sont conçus dans le même sentiment que leurs porcelaines. Pour l’architecture, ils préfèrent à tout ces pagodes à huit étages dont l’invention ne vient pas complètement d’eux, ayant quelque chose d’hindou dans l’ensemble ; mais les détails leur en appartiennent, et, si l’œil qui ne les a pas encore observées peut être séduit par la nouveauté, il se dégoûte bientôt de cette uniformité excentrique. Dans ces constructions, rien n’est solide, rien n’est en état de braver les siècles. Les Chinois sont trop prudents et trop bons calculateurs pour employer à la construction d’un édifice plus de capitaux qu’il n’est besoin. Leurs travaux les plus remarquables ressortent tous du principe d’utilité : tels les innombrables canaux dont l’empire est traversé, les digues, les levées pour prévenir les inondations, surtout celles du Hoang-ho. Nous retrouvons là le Chinois sur son véritable terrain. Répétons-le donc une dernière fois : les populations du Céleste Empire sont exclusivement utilitaires ; elles le sont tellement, qu’elles ont pu admettre, sans danger, deux institutions qui paraissent peu compatibles avec tout gouvernement régulier : les assemblées populaires réunies spontanément pour blâmer ou approuver la conduite des magistrats et l’indépendance de la presse (1)[1]. On



(1) Davis, the Chinese, p. 99 : « The people sometimes hold public meetings by advertisement, for the express purpose of addressing the magistrate and this without being punished. The influence of public opinion seems indicated by this practice ; together with that frequent custom of placarding and lampooning (though of course anonymously) obnoxious officers. Honours are rendered to a just magistrate, and addresses presented to him on his departure by the people ; testimonies which are highly valued... It may be added, that there is no established censorship of the press in China, nor any limitations but those which the interests of social peace and order

  1. (1) Davis, the Chinese, p. 99 : « The people sometimes hold public meetings by advertisement, for the express purpose of addressing the magistrate and this without being punished. The influence of public opinion seems indicated by this practice ; together with that frequent custom of placarding and lampooning (though of course anonymously) obnoxious officers. Honours are rendered to a just magistrate, and addresses presented to him on his departure by the people ; testimonies which are highly valued... It may be added, that there is no established censorship of the press in China, nor any limitations but those which the interests of social peace and order seem to render necessary. If these are endangered, the process of the government is of course more summary than even an information filed by the attorney general. » — Le système chinois me semble s’accorder encore avec une autre idée adoptée par les écoles libérales d’Europe : c’est la sécularisation du système militaire. Ils ne connaissent que la garde nationale ou la landwehr. Je ne parle pas ici des Mantchous, mais seulement des véritables indigènes de l’empire. Les Mantchous, étant tous soldats de naissance, sont censés plus habiles sur le maniement des armes. (Davis, p. 105.)