Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/589

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Ce dut être pour les nations si dégénérées, si lâches, si perverties, et en même temps si artistes de l’Assyrie, un spectacle et une sensation bien étranges que de tomber sous le rude commandement d’une race guerrière, sérieuse et livrée aux inspirations d’un culte simple, moral, aussi idéaliste que leurs propres notions religieuses l’étaient peu.

Avec l’arrivée des Iraniens, les horreurs sacrées, les infamies théologiques prirent fin. L’esprit des mages ne pouvait s’en accommoder. On eut une preuve bien grande et bien singulière de cette intolérance lorsque, plus tard, le roi Darius, devenu maître de la Phénicie, envoya défendre aux Carthaginois de sacrifier des hommes à leurs dieux, offrandes doublement abominables aux yeux des Perses en ce qu’elles offensaient la piété envers des semblables et souillaient la pureté de la flamme sainte du bûcher (1)[1]. Peut-être était-ce la première fois, depuis l’invention du polythéisme, que des prescriptions émanées du trône avaient parlé d’humanité. Ce fut un des caractères remarquables du nouveau gouvernement de l’Asie. On s’occupa désormais de rendre la justice à chacun et de faire cesser les atrocités publiques, sous quelque prétexte qu’elles eussent lieu. Particularité non moins nouvelle, le grand roi se soucia d’administrer. À dater de cette époque, le grandiose s’abaisse, et tout tend à devenir plus positif. Les intérêts sont plus régulièrement traités, plus régulièrement ménagés. Il y a du calcul, et du calcul raisonnable, terre à terre, dans les institutions de Cyrus et de ses successeurs. Pour bien dire, le sens commun inspire la politique, à côté et quelquefois



(1) Darius Hystaspes leur interdit aussi de manger de la chair de chien. La coutume phénicienne des massacres hiératiques, qui, à l’époque des calamités publiques, porta les Carthaginois à égorger à la fois, sur leurs autels, des centaines d’enfants, coutume qui faisait dire à Ennius : « Et Poinei solitei sos sacrificare puellos, » reprit quand tomba l’influence des Perses. Les Grecs cherchèrent en vain à décider les Carthaginois à renoncer à de telles monstruosités. Elles existaient encore secrètement au temps de Tibère, et s’étaient transmises, avec le sang sémitique, à la colonie romaine. (Bœttiger, Ideen zur Kunstmythologie, t. I, p. 373.)

  1. (1) Darius Hystaspes leur interdit aussi de manger de la chair de chien. La coutume phénicienne des massacres hiératiques, qui, à l’époque des calamités publiques, porta les Carthaginois à égorger à la fois, sur leurs autels, des centaines d’enfants, coutume qui faisait dire à Ennius : « Et Poinei solitei sos sacrificare puellos, » reprit quand tomba l’influence des Perses. Les Grecs cherchèrent en vain à décider les Carthaginois à renoncer à de telles monstruosités. Elles existaient encore secrètement au temps de Tibère, et s’étaient transmises, avec le sang sémitique, à la colonie romaine. (Bœttiger, Ideen zur Kunstmythologie, t. I, p. 373.)