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génie particulier des Celtes, et nous en pourrons tirer les conclusions suivantes.

L’exaltation enthousiaste, observée en Orient, n’était pas le fait de la littérature des Galls. Soit dans les ouvrages historiques, soit dans les récits mythiques, elle aimait l’exactitude, ou, à défaut de cette qualité, ces formes affirmatives et précises qui, auprès de l’imagination, en tiennent lieu (1)[1]. Elle cherchait les faits plus que les sentiments ; elle tendait à produire l’émotion, non pas tant par la façon de dire, comme les Sémites, que par la valeur intrinsèque, soit tristesse, soit énergie, de ce qu’elle énonçait. Elle était positive, volontiers descriptive, ainsi que le voulait l’alliance intime qui la rapprochait du sang finnique, ainsi qu’on en voit l’exemple dans le génie chinois, et, par son défaut intime de chaleur et d’expansion, volontiers elliptique et concise. Cette austérité de forme lui permettait d’ailleurs une sorte de mélancolie vague et facilement sympathique qui fait encore le charme de la poésie populaire dans nos pays.

On trouvera, je l’espère, cette appréciation admissible, si l’on se rappelle qu’une littérature est toujours le reflet du peuple qui l’a produite, le résultat de son état ethnique, et si l’on compare les conclusions qui ressortent de cette vérité avec l’ensemble des qualités et des défauts que le contenu des pages précédentes a fait apercevoir dans le mode de culture des nations celtiques.

Il en résulte sans doute que les Kymris ne pouvaient pas être doués, intellectuellement, à la manière des nations mélanisées du sud. Si cette condition mettait son empreinte sur leurs productions littéraires, elle n’était pas moins sensible dans le domaine des arts plastiques. De tout le bagage que les Galls ont laissé derrière eux en ce genre, et que leurs tombes nous ont rendu, on peut admirer la variété, la richesse, la bonne et



(1) M. de La Villemarqué relève avec raison, chez les auteurs des chants populaires de l’Europe, l’habitude de fixer aussi exactement que possible le lieu et la date des faits rapportés. (Barzaz Breiz, t. I, p. XXVI.) Le but de ce qu’il appelle le poète de la nature « est toujours, dit-il, de rendre la réalité. » (P. XXVIII.)

  1. (1) M. de La Villemarqué relève avec raison, chez les auteurs des chants populaires de l’Europe, l’habitude de fixer aussi exactement que possible le lieu et la date des faits rapportés. (Barzaz Breiz, t. I, p. XXVI.) Le but de ce qu’il appelle le poète de la nature « est toujours, dit-il, de rendre la réalité. » (P. XXVIII.)