Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

composaient de noirs soumis par les Arians. En Égypte, les basses castes ayant été également formées, et presque en totalité, de nègres, force est d’en conclure qu’elles devaient de même leur situation à la conquête ou à ses conséquences. Dans les États chamo-sémitiques, à Tyr, à Carthage, il en était ainsi. En Grèce, les Hélotes lacédémoniens, les Pœnestes thessaliens et tant d’autres catégories de paysans attachés à la glèbe, étaient les descendants des aborigènes soumis. Il résulte de ces exemples que l’existence de populations serviles, même avec des nuances notables dans le traitement qui leur est infligé, dénote toujours des différences originelles entre les races nationales.

L’esclavage, ainsi que toutes les autres institutions humaines, repose sur d’autres conditions encore que le fait de la contrainte. On peut, sans doute, taxer cette institution d’être l’abus d’un droit ; une civilisation avancée peut avoir des raisons philosophiques à apporter au secours de raisons ethniques, plus concluantes, pour la détruire : il n’en est pas moins incontestable qu’à certaines époques l’esclavage a sa légitimité, et on serait presque autorisé à affirmer qu’il résulte tout autant du consentement de celui qui le subit que de la prédominance morale et physique de celui qui l’impose.

On ne comprend pas qu’entre deux hommes doués d’une intelligence égale ce pacte subsiste un seul jour sans qu’il y ait protestation et bientôt cessation d’un état de choses illogique. Mais on est parfaitement en droit d’admettre que de tels rapports s’établissent entre le fort et le faible, ayant tous deux pleine conscience de leur position mutuelle, et ravalent ce dernier à une sincère conviction que son abaissement est justifiable en saine équité.

La servitude ne se maintient jamais dans une société dont les éléments divers se sont un tant soit peu fondus. Longtemps avant que l’amalgame arrive à sa perfection, cette situation se modifie, puis s’abolit. Bien moins encore est-il possible que la moitié d’une race dise à son autre moitié : « Tu me serviras, » et que l’autre obéisse (1)[1].



(1) On opposera peut-être à ceci qu’en Russie comme en Pologne

  1. (1) On opposera peut-être à ceci qu’en Russie comme en Pologne le servage est d’institution récente ; mais il faut observer, d’abord, que la situation du paysan de l’empire mérite à peine ce nom ; puis, dans les deux pays, elle se transforme rapidement en liberté complète, preuve qu’elle n’a jamais été subie sans protestation. Elle n’aura donc constitué qu’un accident transitoire, résultat naturel de la superposition de races différemment douées ; car, en Pologne aussi bien qu’en Russie, la noblesse est issue de conquérants étrangers. Aujourd’hui, cette ligne de démarcation ethnique disparaissant ou ayant disparu, le servage n’a plus de raison d’être et le prouve en s’éteignant.