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aborigènes de race slave aient pu passer en Asie à différentes époques, et y porter dans la Paphlagonie le nom wende des Enètes ou Henètes[1]. Ces malheureux Pélasges, Slaves, Celtes, Illyriens ou autres, mais toujours métis blancs, attaqués par des forces trop considérables, et souvent assez forts cependant pour ne pas accepter un esclavage absolu, émigraient de tous côtés, se faisaient à leur tour pillards, ou, si l’on veut, conquérants, et devenaient l’effroi des pays où ils portaient leur belliqueuse misère.

La terre italique était déjà peuplée de leurs pareils, appelés, comme eux, Pélasges ou aborigènes, reconnus de même pour être les auteurs de grandes constructions massives en pierres brutes ou imparfaitement taillées, voués également aux travaux agricoles, ayant des prophétesses ou des sibylles toutes pareilles, enfin leur ressemblant de tous points, et conséquemment identifiés de plein droit avec eux.

Ces aborigènes italiotes paraissent avoir appartenu le plus généralement à la famille celtique. Néanmoins ils n’étaient pas seuls, non plus que ceux de la Grèce, à occuper leurs provinces. Outre les Rasènes, dont le caractère slave a déjà été reconnu, on y aperçoit encore d’autres groupes de provenance wende, tels que les Vénètes[2]. Il n’y a pas non plus de motifs pour refuser à Festus l’origine illyrienne des Peligni[3].

  1. Schaffarik, Slawische Alterthümer, t. I, p. 159. — Tite-Live contient ce passage digne de remarque : « Casibus deinde variis Antenorem, cum multitudine Henetum, qui seditione ex Paphlagonia pulsi, et sedes et ducem, rege Pylæmene ad Trojam amisso, quærebant. » — Liv. Gron., in-8o, Basileæ, 1740, t. I, p. 8.
  2. Hérodote les confond avec les Illyriens. Leur territoire s’étendait, au sud, jusqu’à l’embouchure de l’Etsch, et, à l’ouest, jusqu’aux hauteurs qui vont de cette rivière au Bacciglione. (O. Muller, die Etrusker, p. 134.)
  3. Abeken, ouvr. cité, p 85. — Cependant Ovide range cette nation parmi les tribus sabines. Les deux opinions peuvent se soutenir, et les Peligni n’être, comme la plupart des nations italiotes, que le résultat de nombreux mélanges où des émigrants illyriens, probablement Liburnes, auront eu leur place. Pour montrer combien les travaux auxquels donne lieu l’ethnographie d’un peuple sont épineux, et doivent tendre plutôt d’abord, à concilier qu’à rejeter les traditions, même les plus disparates, il n’y a qu’à étudier ce que Tacite dit des Juifs, lorsque, au livre V, ch. II des Histoires, il recherche leur origine. Il énumère quatre opinions : la première les fait venir de Crète, et dérive le nom de Judaei du mont Ida. Ceux qui lui avaient donné cet avis confondaient tous les habitants en une seule race, et leur sentiment, juste par rapport aux Philistins, se trouvait inexact en ce qui avait trait aux Abrahamides. La seconde opinion les faisait venir d’Égypte, et les accusait de descendre des lépreux expulsés de ce pays qu’ils infectaient de leur mal. En laissant de côté le trait de haine nationale, il n’y a rien que de vrai dans cette assertion. Cependant elle ne détruit pas la valeur de la troisième, qui fait des Juifs une colonie d’Éthiopiens. Seulement Tacite paraît entendre, par ce mot, des Abyssins, et nous savons (voir t. I) que, dans la plus haute antiquité, il s’appliquait aux hommes de l’Assyrie. Cette vérité contribue à faire agréer du même coup la quatrième opinion citée par l’historien romain, et qui disait les juifs Assyriens d’origine. Ils l’étaient, sans doute, en tant que Chaldéens. Je n’ai voulu ici que donner un exemple de l’attention soutenue et scrupuleuse, de la réserve prudente qui doit diriger les élucidations et surtout les conclusions ethnologiques.