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la patrie qu’ils s’étaient faite que le vol et l’usurpation. Ainsi sévèrement jugée, Rome était tenue en dehors de la confédération dont Amiternum était la cité principale, et exposée sur la rive gauche du Tibre, où elle se voyait isolée, à des attaques que très probablement elle n’aurait pas eu la force de repousser, si elle s’était trouvée sans soutiens.

Dans l’intérêt de son salut, elle se rattachait de toutes ses forces à la confédération étrusque dont elle était une émanation, et, quand les discordes civiles eurent éclaté au sein de ce corps politique, Rome ne put songer à rester neutre : il lui fallut prendre parti pour se conserver des amis actifs au milieu de ses périls.

L’Étrurie en était à cette phase politique où les races civilisatrices d’une nation se montrent abaissées par les mélanges avec les vaincus, et les vaincus relevés quelque peu par ces mêmes mélanges. Ce qui contribuait à hâter l’arrivée de cette crise, c’était la présence d’un trop grand nombre d’éléments kymriques plus ou moins hellénisés, et parfaitement de nature et de force à contester la suprématie aux descendants bâtards de la race tyrrhénienne. Il se développa, en conséquence, dans les cités rasènes un mouvement libéral qui déclara la guerre aux institutions aristocratiques, et prétendit substituer aux prérogatives de la naissance celles de la bravoure et du mérite.

C’est le caractère constant de toute décomposition sociale que de débuter par la négation de la suprématie de naissance. Seulement le programme de la sédition varie suivant le degré de civilisation des races insurgées. Chez les Grecs, ce furent les riches qui remplacèrent les nobles ; chez les Étrusques, ce furent les braves, c’est-à-dire les plus hardis. Les métis raséno-tyrrhéniens, mêlés à la plèbe, sujets umbres, sabins, samnites, sicules, se déclarèrent candidats au partage de l’autorité souveraine. Les doctrines révolutionnaires obtinrent leurs plus nombreux partisans dans les villes de l’intérieur où les anciens vaincus abondaient. Volsinii paraît avoir été le principal point de ralliement des novateurs (1)[1], tandis que le centre de la



(1) Suivant Abeken, les villes principalement libérales auraient été

  1. (1) Suivant Abeken, les villes principalement libérales auraient été Arretium, Volaterræ, Rusellæ et Clusium ; et ainsi s’expliquerait, pour le dernier de ces États, la promptitude avec laquelle son chef, le larth Porsenna, s’empressa de conclure la paix avec les Romains insurgés contre les Tarquiniens, après s’être laissé émouvoir à la commencer par un intérêt patriotique opposé à ses intérêts de parti. (Ouvr. cité, p. 24.) — Je remarquerai, en passant, que le nom de Volaterræ est latin ; les Étrusques appelaient cette ville Felathri, ce qui est beaucoup plus près du Velletri moderne. C’est un argument de plus en faveur de l’étude des anciens idiomes de l’Italie au moyen des dialectes locaux actuels.